mercredi 29 novembre 2017

Rétroprospective



Salon du livre jeunesse de Montreuil, 2051.
Il était temps.
Ses éditeurs, Picquier-La Redoute, LVMH-Gallimard, Futuropeugeot ou encore Culturaréva se sont mobilisés pour ce qui est l'événement central de cette édition, la grande rétrospective Florent Chavouet.
Plus que jamais, et malgré les rumeurs de cancer du pancréas pas tout à fait étrangères à cette recension, le grand monsieur sera présent sur le salon, comme il l'est depuis le début du XXIème siècle. La silhouette s'est avachie, la crinière éclaircie et le ventre ramolli, mais l'élégance et la simplicité sont toujours les costumes qui l'habillent lorsqu'il s'agit de rencontrer ses lecteurs.
Florent Chavouet nous accorde une discussion sensible et sincère, à l'écart des allées du salon, pour se livrer sur hier, aujourd'hui et plus tard.
Loin des polémiques qui ont rangé Tokyo Sanpo tantôt dans les ouvrages au racisme complaisant, tantôt dans les témoignages d'un néocolonialisme hétérocentré, ou du canular Manabe Shima, dont il n'a jamais été prouvé qu'une île portât ce nom, Florent regarde ses années passées avec la joie triste d'un dessinateur qui vieillit. "Je voulais juste avoir un blog" nous confie-t-il entre un verre de cognac Courvoisier et un petit gâteau sec qui laissera, tout au long de cet entretien, quelques miettes à la commissure de ses lèvres dont il ne maîtrise plus tout à fait la synchronicité. La main droite, elle, reste sûre et précise et lorsqu'il s'agira de nous laisser un petit dessin en conclusion de cette rencontre, le style du dessinateur nous apparaîtra comme aux premières années des sushis rigolos.
C'est justement parce que la générosité a toujours été un point cardinal de son travail, qu'il regarde avec un embarras pudique le procès qui déchire Natacha son ex-femme et Kumiko sa fille légitime.
Il préfère se souvenir de cette édition 2017 du salon de Montreuil, où, encore au fait de sa célébrité, une file de 75 mètres de lecteurs attendait devant l'étale Picquier pour une signature, le samedi de 15h à 16h30 et le dimanche de 11h à 13h.
Perdu dans sa mémoire et ses cognacs, l'artiste nous donna congé et mouchu.
Se moucha pardon.


vendredi 24 novembre 2017

Shin Yokai 7


Sujet de saison.
La châtaigne, les champignons ou le kaki sont de toutes les discussions, mais la poire, ce digestif dont on fait un fruit, est le sujet inévitable du moment qui anime tous les salons.
Et pour cause, avec sa saveur mature, son gros ventre bonhomme et sa chair massée et cabossée par la fraîcheur des matins d'automne, c'est aussi le Yokai, dont il a fait sa chambre, qui revient. 
Passe-crassane, Williams, Doyenne du Comice ou d'Anjou, aucune variété n'échappe à ce locataire qui ne rend pas les lieux comme il les a trouvés. 
On ne sait pas vraiment ce qu'il y fabrique d'ailleurs, malgré les nombreuses conférences consacrées à la question. Bloqué au stade oral, il mâche, mange et recrache, sans trahir sa présence à la surface du fruit. Plus la pièce est belle, plus son oeuvre vous paraîtra injuste. Et c'est bien là sa principale nuisance. 
Pas bien méchant, il n'est coupable que de menus sabotages et petites déceptions.
C'est bête, c'est la poire blette.